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Frederic Edwin Church, The Icebergs (1861-1863).

Je pars la semaine prochaine. De chez moi en train je rejoindrai Amsterdam, puis le nord des Pays-Bas. Je dormirai deux nuits sur le voilier au port, avant le départ. Ensuite, la traversée durera environ une vingtaine de jours pour rejoindre le Svalbard, en Arctique. Et puis …. Cette histoire racontée en boucle, cette histoire du futur s’interrompra et deviendra expérience. Enfin ! la version projetée rencontrera la version réelle. Et la beauté demeurera dans la rencontre, et donc aussi dans les décalages entre le projet, les fantasmes, et le présent vécu.

C’est bien la version fantasmée qui niche en moi ces temps.  Depuis des semaines, l’imagination, les rêveries du voyage, les visions de l’expédition à venir habitent mes lunes et mes soleils. L’épopée se façonne en moi, je présume l’aventure, imaginant, humant un air qui entre dans mes narines, le mouvement des vagues, le clapotis de l’eau sur la coque en bois du bateau, le murmure du vent, l’envol des oiseaux rasant la mer. Ces rêveries rencontrent aussi les difficultés, trop froid, des nausées, je ne dors pas assez, mal de mer qui ne passe pas. J’ai entendu dire qu’il fallait accepter le mouvement de la mer pour ne plus être malade, accepter, lâcher prise. Depuis des jours, j’ancre mes pieds dans le sol, je m’arrime à moi-même. J’imagine être dans le mouvement perpétuel d’un sol qui n’en ai pas vraiment un. Je suis happée par la vie en mer. Ces songes sont une grande méditation qui navigue en moi, je deviens l’aventure à venir. Au milieu de toutes ces divagations je m’accroche à quelques « certitudes » du voyage qui encadreront les prochaines semaines : l’heure d’un train, la date d’une embarcation, des détails qui m’apparaissent comme des ancres flottantes dans le futur, un futur brumeux duquel émerge les glaciers du nord.

J-10, je sens entièrement l’aventure à venir, les imaginations laissent doucement place à la réalité du voyage. Le fantasme du mirage s’endort paisiblement.




FRAGMENTS
petit poème comme ça, depuis les méandres des fantasmes de l’aventure


un flot fait d’un millier de vagues
eau
soulevée par les courants
agitée par les vents
fougueux et enivrés
ondulations

ce matin tous se sont calmés
le bateau tangue doucement
le soleil par là-bas
derrière le gris
humide
tout est moite

je suis mouillée
deviens un peu liquide
longue est la traversée
le huitième jour est pénible
il révèle une percée
semblable à la retraite de méditation cet été

c’est long
je suis fatiguée
de tanguer
marchand de sable
passe
même en mer

et puis
enlacée à la mer
la brume
révélant des Icebergs
timides
et imposants

blanc
glace
vent froideur
l’Arctique dévoile ses glaciers
et entame
le chant du Nord

enfin, ici, arrivée
enfin, là-bas, arrivée
enfin, là-bas, j’arriverai
bientôt, là-bas, j’arriverai



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