F008
on n’égorge pas les dernières graines
poème, 2024
il y a de cela bien longtemps, était-ce hier ?, égarée l’obscurité se faufile en elle-même :
bien au dessus des plus hauts sommets des montagnes les plus robustes
bien plus profondément que les plus impénétrables océans
sur des terres arides torturées et asphyxiées par la haine
sur des sols brûlés vifs et noircis par les cendres de chaque écorce de chaque arbre dans les airs gazés vidés d’eux-mêmes et asthmatiques
dans les eaux toxiques viciées et devenues poison
ça étouffe de partout
tout crève
mais
soudainement il est une secousse brutale vomissant d’elle même c’est la convulsion d’un craquement si épuisé qu’il ne fait aucun bruit car sur cette terre à l’agonie même les craquements sont éreintés
ce dernier spasme est un trouble
une rumeur peut-être
projetant une légère brume rêche quelques cendres volent dans le remous indécelable presque
un souffle exigu se dégage
au creux du minuscule de cet événement
nous pouvons apercevoir
une vieille femme
dont les rides des yeux parcourent les bras à l’encontre de ses ongles elle enlace un oiseau
ses plumes chuchotent une longue note austère
plus ancienne que la vieillesse elle-même
la vieille femme berce l’air souillé en cendres et avec cet air l’oiseau ils balancent ondulent flottent
au creux du brouillard plus noir que les cauchemars
la vieille femme et l’oiseau
survivent
survivants dissidents de pleurer des racines
chanter des airs qui se respirent
soupirer les histoires de chacune des créatures assassinées au milieu des ruines vénéneuses germent
un je-ne-sais-quoi qui-ne-sait-pas-quoi
une trace archaïque qui tempête cela :
on n’égorge pas les dernières graines.
- Camille Dedenise