F006

il est une forêt qu'ils n'auront pas


poème, 2023 


puisque les arbres entendent leur larmes gluantes vibrer dans l’oscillation de la terre souillée
sale
sale de l’égo humain

puisque les écorces ne peuvent plus craqueler d’elles-mêmes
vomissant alors les excès
oh, terre devenue carcasse à production
les arbres sont vidés d’eux-mêmes
bannis de leur souche
en exil
dégorgeant dans leur sève la violence
l’authentique férocité humaine

nous pouvons entendre les feuilles enragées se tordre
dans le gémissement chaotique des ailes froissées des quelques oiseaux survivants du désastre
des sévices éclatent et plus rien ne peut pleurer
car les terres arides sont asséchées
tout est sec décharné la terre est devenue
la poudre âpre de la brutalité

sur les tristes territoires de l’accumulation agonisante
assassinée
asphyxiée
la terre se meurt

et puis ... depuis ces houles impitoyables
une vibration se propage dans la salive de la forêt
nous pouvons entendre un léger battement sous les feuilles mortes une dernière veine vivante subsiste dans la terre sous cet arbre une dernière veine dont le sang tapote toutes les extrémités :
une graine encore animée halète

dans ce bruit de la terre
un écho se propage
depuis le battement de la graine
on entend alors une lointaine rumeur
des incantations chevauchent les écumes des arbres
la canopée en flottement est transpercée par d’éclatants frissons
le vent se gonfle de son propre souffle
c’est un frémissement une présence un murmure une dévotion

un écho devenu éco :
il est une forêt qu’ils n’auront pas.


  
                                         - Camille Dedenise


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